"L'apocalypse selon Satan", Roman




Les fondateurs du Ciel n'y avaient pas pensé. L'éternité offerte aux hommes à leur mort présentait un inconvénient majeur : au paradis, au purgatoire et en enfer, les générations successives d'âmes s'additionnaient siècle après siècle et l'espace céleste disponible se réduisait petit à petit comme une peau de chagrin.



Les solutions essayées pour contenir l'irrésistible essor démographique n'avaient obtenu que de modestes résultats retardateurs et, au début du XXIème siècle, la situation là-haut n'était plus maîtrisable. Des décisions urgentes et vigoureuses s'imposaient, si le Ciel ne voulait pas se résigner un jour ou l'autre à l'implosion. Déjà la chienlit régnait en enfer où des damnés surexcités menaçaient d'envahir le paradis et le purgatoire pour se soustraire à l'insupportable densité de la population au royaume de Satan.

On en était là et nul n'avait trouvé d'idée lumineuse pour sortir de cette impasse, quand Dieu, lassé de sa destinée d'exception, avait, du jour au lendemain, disparu, abandonnant ses sujets à un désarroi sans fond. C'est dans ce contexte critique que le Haut-Conseil céleste institué en catastrophe pour pallier l'absence du Très-Haut prêta une oreille attentive à la sidérante proposition d'un dominicain à la réputation pourtant sulfureuse qui, de son vivant, avait servi avec zèle l'inquisition espagnole.

A son initiative, un grand chambardement fut mis en chantier qui allait emporter dans son terrifiant maelström le Ciel, mais aussi la Terre.